Le Hérisson
L'histoire d'une rencontre inattendue : celle de Paloma Josse, petite fille de 11 ans, redoutablement intelligente et suicidaire, de Renée Michel, concierge parisienne discrète et solitaire, et de l'énigmatique Monsieur Kakuro Ozu.
Fame
En 1980, le réalisateur britannique Alan Parker atteint les sommets du box-office avec «Fame» qui restitue les auditions et les années d’étude de six élèves de la New York School of Performing Arts.
Pour mémoire, ce «musical» à l’atmosphère parfois assez sombre culmine dans une séquence d’anthologie où les élèves entassés dans une salle de cours se mettent spontanément, toutes disciplines confondues, à danser ensemble. Pointant son esthétique et son montage «court», les spécialistes du genre considèrent «Fame» comme l’ancêtre de nos clips vidéo. S’empressant d’exploiter le filon, la MGM tire du film culte de Parker matière à une série télé de 136 épisodes diffusés entre 1982 et 1987, qui exerce une véritable fascination sur la jeunesse cathodique de l’époque. Aujourd’hui, Kevin Tancharoen nous en propose un «remake» que ce jeune réalisateur formé à la télévision présente comme une «véritable réinvention»!
Le spectateur retrouvera donc la très prestigieuse High School of Performing Arts de New York où de juvéniles apprentis musiciens, danseurs, chanteurs ou comédiens pleins d’illusions s’échinent toujours à réaliser leur rêve, dans un environnement peut-être encore plus compétitif que jadis… The show must go on!
Adeline Stern
Birdwatchers
Au coeur du Mato Grosso amazonien, sur la rive d’un fleuve où glisse une barque remplie de touristes bardés d’appareils photo apparaît un groupe d’indiens Guarani de la tribu Kaiowa, peinturlurés et quasi nus. Ces «sauvages» font mine de décocher en direction des «intrus» quelques flèches puis s’en vont empocher leur maigre cachet de figurants, avant de retourner dans leur réserve… Dès la scène d’ouverture, le cinéaste italo-chilien Marco Bechis dépeint le triste sort de ces indigènes contraints à imiter de façon dérisoire leur première rencontre avec l’homme blanc. Initié au cinéma par le réalisateur de «Garage Olimpo» (1999), les Guarani jouent avec une intensité peu commune cette fiction véridique. Après un énième suicide d’adolescent, Nadio, le chef du clan, décide qu’il est temps de quitter la réserve mortifère pour regagner avec les siens la terre des ancêtres, cette «terre des hommes rouges» dont ils ont été spoliés.
En butte aux propriétaires terriens qui font fortune avec la culture dévastatrice du soja, ignorés par les touristes venus observer les oiseaux exotiques, les «revenants» paieront au prix fort leur revendication désespérée… Entre documentaire et conte cruel, un film remarquable qui serre le coeur.
Vincent Adatte
Le Ruban Blanc
Etabli en France depuis plusieurs années, le cinéaste autrichien Michael Haneke excelle dans l’art difficile de créer le malaise. Il n’a pas son pareil pour nous plonger dans un inconfort salutaire, qui nous renvoie à nous-même sans ménagement. Récompensé à Cannes, le très troublant «Le ruban blanc» ne fait pas exception! Filmé dans un noir et blanc à la beauté trompeuse, le onzième long-métrage du réalisateur de «71 fragments d’une chronologie du hasard» (1994), «La Pianiste» (2001) et de «Caché» (2005) situe son action dans un village de l’Allemagne du Nord protestante, à la veille de la première guerre mondiale. D’étranges événements y surviennent, à propos desquels «bien des questions restent sans réponse», nous confie le narrateur, un ex-instituteur devenu âgé… Les incidents se multiplient en effet, rendant l’atmosphère de plus en plus pesante, bientôt irrespirable ! Implacable, impressionnant, le film évoque les sévices qu’une société masculine et puritaine inflige impunément à ses enfants, ses femmes, ses administrés. De fait, «il s’agit de punir la faute des pères sur les fils». Chef-d’oeuvre tendu, hanté par la hantise du péché et la peur de la sexualité, «Le ruban blanc» apparaît comme la genèse du monstre totalitaire à venir.
Vincent Adatte
Amerrika
Pour la plupart des critiques, le premier long-métrage de Cherien Dabis, jeune réalisatrice palestinienne née en Jordanie mais élevée aux Etats-Unis, a remporté «la palme du coeur» du dernier festival de Cannes… De façon inattendue, Mouna Farah (Nisreen Faour) gagne un titre de séjour qui lui ouvre tout grand les portes de la terre promise. Mouna abandonne fissa un emploi d’employée de banque plutôt bien rémunéré, extirpe Fadi, son jeune fils, de l’école privée où il étudie et quitte Ramallah et la Cisjordanie pour les Etats-Unis.
En plein hiver, cette émigrée fraîche émoulue atterrit dans une banlieue anonyme, au fin fond de l’Illinois, où vivent sa soeur et son beau-frère, un médecin dont la clientèle s’est évaporée depuis que les Américains ont découvert l’existence de Saddam Hussein! Comme nombre d’héros de cinéma dans la même situation, Mouna va alors faire l’expérience du racisme au quotidien et prendre conscience que le «rêve américain» n’a rien de chatoyant, sinon qu’il peut rapidement tourner au cauchemar. Malgré ses qualifications, cette mère courage peine à trouver un emploi qui lui correspondrait. Elle se retrouve à trimer dans un fast-food, à essuyer les quolibets d’une clientèle blanche encore déboussolée par le trauma post-11 septembre…
Adeline Stern
Les Herbes Folles
A quatre-vingt-sept ans passés, le cinéaste français Alain Resnais a reçu à Cannes un «Prix exceptionnel pour l’ensemble de sa carrière et sa contribution à l’histoire du cinéma». Ce n’est que justice en regard du génie singulier qui caractérise l’oeuvre du réalisateur de «Hiroshima mon amour» (1959). Librement inspiré d’un roman de Christian Gailly, «Les herbes folles» le confirme de façon admirable, en apparaissant comme la synthèse magistrale d’une oeuvre cinématographique incomparable. Tout commence avec une simplicité trompeuse. Une femme se fait voler son portefeuille à Paris. Un homme trouve ce portefeuille dans un parking… Mais l’homme en question aime à se faire des idées, jusqu’à le rendre un peu inquiétant.
Intrigué, Georges Palet (André Dussolier) se mue en détective et se met en quête de sa propriétaire, Marguerite Muir (Sabine Azéma), dentiste de son état… Selon son habitude, Resnais pousse très loin cette comédie déraisonnable, entraînant le spectateur consentant dans un délire surréaliste dont le protagoniste se sent comme une «herbe folle ayant poussé entre les interstices d’un mur de pierre, au mépris du bon sens». Pour reprendre le titre de l’un des films de Resnais, la vie est un roman !
Vincent Adatte
Lucky Luke
Foi de bédéphile, les toutes premières planches de la bande dessinée du «cow-boy solitaire» ont paru en 1946. Dès 1955, le dessinateur Morris est épaulé au scénario par René Goscinny qui lui apporte sa touche d’humour à nulle autre pareille!
Côté cinéma d’animation, «l’homme qui tire plus vite que son ombre» a dégainé à vingt-quatre images par seconde à quatre reprises, hélas sans vraiment faire mouche. Des quatre longs-métrages qui lui ont été consacrés, seul le premier, coréalisé en 1971 par Morris, Goscinny et Tchernia, soutient en effet un peu la comparaison avec la version papier. Versant prises de vues réelles, notre héros privé de mégot depuis 1983 n’a guère été mieux loti, le regard bleu acier
spaghetti de Terence Hill ne suffisant de loin pas à donner le change!
C’est dire si l’on attend avec impatience le film de James Hut dont la distribution fait déjà saliver avec Jean Dujardin (Lucky Luke), Alexandra Lamy (Belle, sa «fiancée» de saloon), Daniel Prévost (Pat Poker) ou encore le vibrionnant Michaël Youn (Billy The Kid). Mais, à titre très
personnel, c’est la prestation de Sylvie Testud en Calamity Jane qui me titille le plus… Il va y avoir du grabuge du côté de Daisy Town!
Adeline Stern
Taxi para tre (Un Taxi pour trois)
Chavelo et Coto, deux délinquants un peu fêlés, attaquent Ulises Morales, un chauffeur de taxi, et le contraignent à devenir complice de leurs vols à la tire. Lorsqu'il retrouve sa très honnête famille, Ulises constate que cette attaque lui a permis de gagner en quelques heures plus d'argent qu'il n'en a eu depuis des mois.
Obsédé par les traites de sa Lada-taxi qu'il ne parvient pas à honorer, il se laisse tenter par l'argent facile. Commence alors pour les trois hommes une fuite en avant sur fond de crise sociale urbaine...
Prix de la séance : 8.-
El Rey de San Gregorio
Expérience de tournage inédite dans un bidonville, «El Rey de San Gregorio» du Chilien Alfonso Gazitúa Gaete raconte sur le mode de la fiction très documentée, avec une pudeur sublime, la relation amoureuse qui unit deux jeunes handicapés envers et contre tout, bravant l’interdit des êtres humains «normaux» comme vous et moi.
Dans le quartier pauvre de San Gregorio, Pedro et Cati sont deux amoureux atteints d’une déficience physique et mentale. Les adultes «responsables» essaient d’empêcher leur liaison. Grand romantique d’une trentaine d’année, Pedro va cependant continuer à se battre pour sa princesse, en se recommandant à Dieu et en suivant les conseils d’un vieil homme en chaise roulante…
Après avoir réalisé plusieurs courts-métrages, le réalisateur a vécu à San Gregorio comme volontaire, dirigeant un atelier de théâtre avec un groupe de handicapés. Il a donc appris à travailler avec eux et son premier long-métrage s’en ressent positivement. Jouant leur propre rôle dans le film, Pedro et Cati révèlent des talents de comédiens insoupçonnés. Leur façon de s’approprier leurs rôles témoigne de la vérité et de la profondeur de leur relation. C’est ce qui fait le prix de cette aventure cinématographique sans précédent, qui ravive tout un idéal de tolérance!
Vincent Adatte
Inglorious Basterds
Présenté en compétition à Cannes, le septième long-métrage de Quentin Tarantino a eu le don de radicalement diviser la critique accourue. A entendre ses défenseurs opiniâtres, «Inglorious Basterds» a été l’un deux meilleurs films présentés cette année sur la Croisette et on leur donne volontiers raison, à condition d’en saisir toute la portée allégorique!
Commandé par un Sudiste antiraciste (Brad Pitt), un commando de soldats juifs américains est parachuté derrière les lignes allemandes. Cette unité de choc est chargée de semer la terreur en scalpant les nazis. Dans le même temps, une jeune projectionniste juive (Mélanie Laurent), dont la famille a été exterminée au début du film, prépare un attentat visant le gotha du troisième Reich (dont Hitler et Goebbels) rassemblé dans un cinéma parisien pour la première du plus grand film de propagande nazie jamais tourné…
En rébellion contre l’histoire officielle, le réalisateur de «Death Proof» (2007) la réécrit en toute liberté, mais avec une exactitude pince sans rire aux effets très subversifs. Aussi délirante soit-elle, cette réécriture apparaît comme un acte de vengeance magistral qui, par la seule puissance du cinéma, dédommage a posteriori les victimes de la barbarie nazie.
Adeline Stern