Hannah Arendt
En avril 1961, Israël va juger à Jérusalem Adolf Eichmann, désigné comme le grand exécuteur de la Solution finale. Juive et militante antinazie exilée aux Etats-Unis vingt ans auparavant, la philosophe Hanna Arendt (Barbara Sukowa) demande au très réputé «New Yorker» de pouvoir couvrir le procès.
Arendt écrit alors cinq articles pour le magazine américain où elle développe la notion de «banalité du mal», faisant du monstre Eichmann un bureaucrate zélé qui n’a fait qu’obéir aux ordres, figure selon elle caractéristique de tout système totalitaire. La controverse est immédiate. Ce faisant, la penseuse confisque au procès sa fonction cathartique, au détriment des survivants du génocide qui en avaient grand besoin.
Qualifiée d’ennemie des Juifs, Arendt persistera dans son analyse… En créant un champ-contre-champ fascinant, qui oppose Arendt au véritable Eichmann, filmé à l’époque pendant les audiences par le documentariste Leo Hurvitz, la cinéaste nous laisse seuls juges. Indispensable!
Adeline Stern
Moi, Moche et Méchant 2 (3D)
En 2010, nous avions bien ri aux mésaventures d’un nouvel antihéros au nom à consonance vaguement soviétique. Avis aux amateurs, la suite des aventures de l’ex-plus grand méchant de l’univers s’inscrit dans la même veine parodique, mais en plus délirant encore!
Assagi, pétri de bonté patiente, mais toujours aussi moche, Gru éduque désormais avec un amour tout paternel les trois petites orphelines qui lui avaient donné tant de fil à retordre dans le numéro un. Las, une dénommée Lucy Wilde vient troubler cette quiétude familiale en requérant ses services de toute urgence!
Il semble en effet qu’un nouveau candidat au titre de plus grand méchant universel fasse des siennes, en commettant moult méfaits pour attirer l’attention. Fort de son expérience passée en matière de malfaisances en tout genre, Gru va prêter main-forte à Lucy pour combattre l’odieux personnage qui se révèle de surcroît affreusement macho… Un divertissement irrésistible taillé sur mesure pour toute la famille!
Adeline Stern
Broken City
Auteur d’une bavure retentissante, l’inspecteur Billy Taggart (Mark Wahlberg) a dû se reconvertir en détective privé un brin désabusé. En pleine campagne électorale, le maire de New York (Russel Crowe) le tire de sa morosité en le chargeant d’enquêter sur sa chère épouse (Catherine Zeta-Jones) qu’il soupçonne d’infidélité.
Prenant en filature la femme supposée infidèle, Taggart met alors à jour de bien sombres machinations ourdies par son mari, prêt à tout pour se faire réélire, menacé qu’il est par un concurrent homosexuel qui s’est enhardi à jouer au Monsieur propre.
Plongeant dans les eaux troubles de la politique gangrenée par la corruption, l’ex-flic alcoolique va avoir fort à faire pour démêler le vrai du faux… Renouant avec la tradition du film noir, le réalisateur du «Livre d’Eli» (2010) délivre un thriller dont les multiples rebondissements nous tiennent en haleine de la première à la dernière séquence!
Vincent Adatte
Ai Weiwei : Never Sorry
Architecte, sculpteur, photographe et artiste blogueur, Ai Weiwei se livre à des créations protéiformes, libertaires et frondeuses, telle «Fuck Off», sa série provocante de doigts d’honneur dressés contre la Cité interdite, la Maison Blanche ou la Tour Eiffel.
Né à Pékin en 1957, Weiwei a vécu à New York et côtoyé Andy Warhol et Allen Ginsberg, avant de revenir en Chine, pour s’adonner à une critique salutaire de l’establishment. Au grand dam des autorités, il a par exemple révélé les noms occultés des quatre mille écoliers victime d’un séisme au Sichuan, en leur consacrant un «mausolée» bouleversant fait de simples cartables.
Suivi par la cinéaste documentaire américaine Alison Klayman, Weiwei est aujourd’hui considéré comme un dangereux dissident qui transforme en happening toutes les vicissitudes que le pouvoir lui fait quotidiennement endurer, faisant preuve d’un courage politique absolument sidérant!
Adeline Stern
Man of Steel (3D)
Réalisateur souvent impressionnant par ses mises en scène très graphiques («300», «Le Royaume de Ga’hoole» et surtout le délirant «Sucker Punch»), Zack Zydner s’est vu confier la redoutable mission de donner un coup de jeune à «Superman», super héros un brin démodé!
Dans le jargon «globish» (contraction de «global English»), il s’agit d’un «reboot». Pour mémoire, ce terme désigne la tentative d’injecter du sang neuf dans une saga en s’aventurant dans des directions inédites, ce dont s’acquitte Zydner de façon plutôt décoiffante!
Le spectateur est donc invité à revenir aux origines du mythe, avec un Clark Kent (Henry Cavill) très juvénile, lequel se découvre des pouvoirs paranormaux plutôt déstabilisants, tout en apprenant qu’il n’est pas né sur Terre… L’histoire qui s’ensuit fait un sort au Superman positif et serviable, que l’on connaissait par le passé, en lui conférant une ambiguïté aussi inquiétante que passionnante!
Vincent Adatte
Le mur invisible
Tiré du roman passionnant de Marlen Haushofer, le premier long-métrage de Julian Roman Pölsler, metteur en scène de théâtre très réputé en Autriche, est un véritable joyau! Partie en excursion à la montagne avec un couple de ses amis, une jeune femme (Martina Gedeck) se retrouve complètement séparée de la civilisation par un mur invisible.
Au delà de ce mur angoissant, le monde s’être complètement figé. S’efforçant de ne pas sombrer dans la folie, la protagoniste organise peu à peu sa survie en s’appropriant un territoire montagneux dont elle essaye peu à peu d’identifier les limites.
Au hasard de ses rencontres, dont une vache qui va lui être très précieuse, l’esseulée apprend à chasser, apprivoise un chien qui va lui servir de confident. Elle écrit aussi un journal qu’elle devra interrompre faute de papier… A partir de cette situation minimaliste, le cinéaste développe un propos d’une ampleur impressionnante. A coup sûr, l’un des grands films du moment!
Vincent Adatte
Les beaux jours
Cinéaste de talent, la Française Marion Vernoux a démontré dans des films précieux comme «Personne ne m’aime», «Love, etc.» et «Reines d’un jour» tout son art de restituer le mouvement complexe des sentiments. La voilà qui récidive avec «Les beaux jours», un sixième long-métrage qui fait le beau portrait «d’une femme ni indigne, ni âgée»…
Caroline (Fanny Ardant) vient de prendre sa retraite. Marié à Philippe (Patrick Chesnais), elle a formé avec lui un couple de dentistes exemplaires, avec enfants et petits-enfants choyés comme il se doit! Ses filles ont alors la «bonne» idée de lui offrir un forfait «découverte» des différentes activités d’un club du troisième âge…
Jour après jour, Caroline s’initie à la poterie, au théâtre, jusqu’au jour où elle cède aux avances de Julien (Laurent Laffite), un jeune moniteur en informatique qui, visiblement, apprécie les femmes, toutes les femmes… Un film sensible et revitalisant, porté par une Fanny Ardant qui fait merveilleusement son âge!
Adeline Stern
After Earth
Né en Inde en 1970, de parents médecins, mais élevé dans un milieu aisé de la ville de Philadelphie, M. Night Shyamalan (de son vrai nom Manoj Nelliyattu Shyamalan) poursuit une œuvre inclassable, rusant avec ses puissants commanditaires pour faire passer en douce dans ses blockbusters une philosophie toute personnelle sur le pouvoir de l’image.
Général médaillé, Cypher (Will Smith) est victime avec son fils Kitai (Jaden Smith) d’un crash aux conséquences gravissimes. Echoués sur une planète Terre qui n’est plus habitée depuis mille ans, ils vont tenter de survivre dans un environnement on ne peut plus hostile!
Atteint de paralysie après l’accident, Cypher doit guider son fils via un écran et le dirige comme un avatar d’un jeu vidéo. Il l’enjoint surtout à dominer ses peurs et ses émotions, en le lançant dans une course à l’aveugle, dont l’efficacité spectaculaire ne nuit pas à la profondeur de la réflexion!
Vincent Adatte
Le Passé
Depuis «Une Séparation» (Oscar du meilleur film étranger en 2012), toute la critique s’accorde à dire que l’Iranien Asghar Farhadi est l’un de nos plus grands cinéastes actuels! Fort de cette reconnaissance internationale, il a pu tourner en France son sixième long-métrage.
«Le Passé» commence à l’aéroport de Roissy. Marie (Bérénice Bejo) vient y chercher Ahmad (Ali Mosaffa) qui l’a quittée voilà quatre ans, pour repartir en Iran. Ahmad est revenu à Paris afin de signer les papiers du divorce. Le temps d’accomplir ces «formalités», Marie héberge son futur ex-mari dans la maison où ils ont vécu ensemble…
Ahmad est alors le témoin de la nouvelle vie que l’être autrefois aimé tente de se reconstruire, partagé entre un nouveau compagnon, Samir (Tahar Rahim) dont l’ex-femme vient de tenter de se suicider, et des enfants «à problème»… Avec son art de la mise en scène sans égal, le cinéaste reconstitue le puzzle de l’échec, dans l’espoir d’exorciser ce passé qui empêche de vivre le présent…
Vincent Adatte
La Pirogue
Vendredi 14 juin, le film sera précédé d’une présentation, d’un repas et de musique offert à tous par l’EVAM, Venez nombreux !
Adapté d’un roman d’Abasse Ndione, considéré comme le roi du roman noir à Dakar, le nouveau long-métrage de fiction de l’infatigable Moussa Touré traite d’une réalité très dérangeante, au point que le tout-puissant ministère du tourisme du Sénégal a tout fait pour le dissuader de tourner!
Considérés comme les meilleurs marins du monde, les pêcheurs sénégalais emmènent sur leurs pirogues jusqu’aux Canaries des milliers de futurs «travailleurs» clandestins. La traversée n’est pas sans risque, mais leurs passagers préfèrent périr «d’un coup» suite à un naufrage, plutôt que de continuer à mourir à petit feu au pays natal, dans la misère.
Le réalisateur de «TGV» (1997) confère à ce drame sans cesse rejoué depuis 2006 une dimension à la fois épique et tragique, sans oublier quelques notes de dérision déjà présentes dans le roman d’origine. En résulte un film saisissant qui saisit de l’intérieur les contradictions et aspirations des migrants avec une acuité dont on ne saurait faire l’économie!
Adeline Stern