Les aventures extraordinaire d’Adèle Blanc-Sec
Cinéaste boulimique, Luc Besson a encore trouvé le temps de tourner «Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec» entre deux épisodes bondissants d’«Arthur et les Minimoys». Au bénéfice d’un démarrage fulgurant en France, son douzième long-métrage adapte et condense une série de bandes dessinées de Jean Tardi, publiée dès 1976.
Non sans talent, le bédéaste y mélangeait le roman-feuilleton surréel type Fantômas, le Paris de la Belle Epoque et l’atmosphère décadente des années qui menèrent à la première guerre mondiale, avec pour protagoniste une journaliste à l’air renfrognée mais plutôt brillante!
En donnant à Louise Bourgoin le rôle-titre, le réalisateur du «Grand Bleu» (1988) lui confère une allure plus accorte, mais méfions-nous des apparences, d’autant que Dieuleveut (Mathieu Almaric) reste un méchant très méchant et que l’inspecteur Caponi (Gilles Lellouche) n’a toujours pas inventé la poudre!
The Ghost-Writer
Un ancien Premier ministre britannique (Pierce Brosnan) écrit un livre de mémoires qui fait le désespoir de son éditeur, tant il est ennuyeux. Se refusant à le publier tel quel, ce dernier décide d’embaucher un «nègre» pour lui donner meilleure allure. Or ce dernier vient à décéder d’une malencontreuse chute!
Tenace, l’éditeur engage un second «nègre» (Ewan McGregor) qui est aussitôt agressé et délesté du manuscrit. Têtu, le jeune homme se met à éplucher le passé de l’ex-premier ministre et découvre un détail très compromettant. A ses risques et périls, l’écrivain fantôme commence à enquêter…
Impossible de ne pas penser à Tony Blair, meilleur allié des Etats-Unis et de la CIA, renvoyé devant une commission d’enquête chargée de juger du bien-fondé de sa politique irakienne… Le meilleur film de Polanski depuis longtemps, dont le cinéaste polonais acheva le montage dans le chalet suisse où il est toujours assigné à résidence!
Vincent Adatte
L’autre Dumas
Adapté d’une pièce de boulevard à succès, le troisième long-métrage du réalisateur français Safy Nebbou raconte l’étonnante collaboration qui lia durant près de sept ans l’écrivain Alexandre Dumas à son modeste «confrère» Auguste Maquet.
Entre 1844 et 1851, Dumas enrôla ce petit prof d’histoire auquel il dictait ses premiers jets, avant de les reprendre pour leur imprimer «son style». Parfois, Maquet était sommé par son employeur de lui fournir de nouvelles trames historiques à exploiter, ce qui l’autorisa à clamer dans un procès instruit en 1958 qu’il se considérait comme le coauteur des «Trois mousquetaires», du «Comte de Monte-Cristo» et de «La Reine Margot».
Même s’il prend quelques libertés avec la vérité historique, «L’autre Dumas» tient ses promesses, notamment grâce aux performances de Messieurs Gérard Depardieu (Dumas) et Benoît Poelvoorde (Maquet) dont le duel ne manque pas d’allure, l’acteur belge jouant à la perfection le scribouillard en mal de reconnaissance!
Adeline Stern
Shutter Island
Après«Les inflitrés» en 2006, Martin Scorsese adapte aujourd’hui de manière magistrale le roman cauchemardesque de Dennis Lehane paru en 2003 aux Editions rivages pour la version française.
Au large de Boston, en 1954, Teddy Daniels (Leonardo DiCaprio) embarque avec son collègue pour Shutter Island, un îlot hostile qui abrite un asile pénitentiaire où sont enfermés des criminels atteints des pires troubles psychiatriques. Les deux flics ont été mandatés pour enquêter sur la disparition de Rachel Solano, matricide qui a réussi l’exploit de s’évader d’un établissement réputé infranchissable!
A l’entrée, Daniels et son confrère sont priés de laisser leurs armes au vestiaire. Pris en charge par le psychiatre en chef Cawley (Ben Kingsley) et le sarcastique docteur Naehring (Max Von Sydow), les deux enquêteurs vont voir leurs certitudes mentales ébranlées… N’en disons pas plus, sinon que Scorsese joue avec une habileté diabolique avec les attentes du spectateur.
Vincent Adatte
Dragons
Sur une île battue par les vents, des Vikings braillards mènent un combat immémorial contre les dragons, qu’ils considèrent comme leurs ennemis héréditaires. Il est vrai que ces grosses bestioles volantes et chamarrées mangent très volontiers leurs moutons.
Fils du chef de la tribu, Harold n’a pas vraiment le profil requis par son rang: à douze ans, il est non seulement trouillard, mais aussi très fluet. Les événements se précipitent le jour où Harold capture un redoutable dragon surnommé «Fureur nocturne». Blessée, la chimère n’attend plus que d’être achevée d’un coup de massue. Saisi de compassion, le môme ne peut toutefois se résoudre à lui porter le coup de grâce…
Délaissant le second degré plutôt adulte de «Shrek» et «Madagascar», la nouvelle production du studio Dreamworks, adaptée de la saga romanesque de Cressida Cowell, reste cette fois très crânement à hauteur d’enfant, avec une fable qui fait un sort bienvenu aux préjugés.
Adeline Stern
Marsdreamers
Samedi17 avril Rencontre d’un Cinéaste : Richard Dindo. Le film sera précédé d’un repas puis suivi d’une discussion avec son réalisateur.
Présenté à Locarno, «The Marsdreamers» de Richard Dindo nous entraîne dans une rêverie martienne qui n’a rien de délirant, bien au contraire! Géologues en combinaison spatiale, scientifiques, architectes, ils forment une communauté qui pense très sérieusement que notre salut passe par la colonisation de la planète Mars.
Devant la caméra, ces ultimes utopistes confient leur rêve de faire revivre la planète rouge en la réchauffant un peu, histoire d’en faire peut-être une tête de pont vers d’autres galaxies. Dans le désert de Mojave, qui ressemble de façon étonnante à ce que l’on croit savoir de Mars, certains recréent déjà les conditions d’un atterrissage.
Avec une belle empathie, qui n’empêche pas l’humour, le plus grand documentariste suisse recueille ces différents témoignages dans un écrin d’images futuristes révélatrices, attestant de l’avenir incertain de notre humanité, suite à l’échec programmé du projet «terrien».
Vincent Adatte
Gauguin à Tahiti et aux Marquises
Samedi 17 avril Rencontre d’un Cinéaste : Richard Dindo. Le film sera suivi d’une discussion avec le réalisateur puis d’un repas dans le foyer du Cinéma.
De retour au Royal, le cinéaste documentaire Richard Dindo présente en grande première romande son dernier film en date. Depuis le bouleversant «Charlotte, vie ou théâtre?» (1992), consacré à l’artiste Charlotte Salomon, et le splendide «Aragon: le roman de Matisse» (2003), on sait que Dindo est l’un des rares réalisateurs à savoir filmer la peinture.
En rupture totale avec la société de son époque, Gauguin a passé les dernières années de sa vie à Tahiti et aux îles Marquises. Il y est mort et enterré en 1903, bien avant un certain Jacques Brel. Par le biais de ses lettres, le cinéaste évoque la fin du peintre qui expérimenta la couleur comme nul autre auparavant!
Souffrant de la syphilis et d’une vieille blessure à la jambe, l’artiste rebelle et incompris déprime dans les paysages de rêve de Tahiti et part pour les Marquises afin d’y retrouver l’inspiration… Comme personne, Dindo réussit à faire le lien entre l’oeuvre et l’être, avec la fêlure intime que cela suppose!
Vincent Adatte
Une éducation
Tiré d’un récit autobiographique de la journaliste anglaise Lynn Barber, l’une des plumes les plus affûtées de l’hebdomadaire très réputé The Observer, le quatrième long-métrage de la réalisatrice danoise Lone Scherfig s’attache aux pas juvéniles de Jenny (formidable Carey Mulligan), une élève brillante qui termine ses études secondaires.
Jenny pratique le violoncelle pour faire plaisir à son père qui se demande s’il ne vaudrait pas mieux marier sa fille, plutôt que de lui payer Oxford. Par un après-midi pluvieux de 1961, elle se fait embarquer par un homme séduisant dans une belle voiture de sport.
La jeune fille se laisse facilement embobiner par David (Peter Sarsgaard). Son attitude «coupable» lui vaut d’être mise au ban d’une société qui ne s’est pas encore laissé «pervertir» par les Beatles… L’éducation (sentimentale) promise par le titre du film risque d’être bien rude, mais Jenny n’en perdra pas pour autant son appétit de vivre!
Vincent Adatte
Nine
Après«Les mémoires d’une geisha» (2006), Rob Marshall revient à la comédie musicale, un genre cinématographique qui lui avait valu un immense succès en 2003 avec «Chicago».
Adapté d’un spectacle «made in Broadway», lui-même inspiré du film «8 ½» de Fellini, «Nine» décrit le désarroi d’un cinéaste quadragénaire séducteur en diable mais désespérément en panne d’idées. Guido Contini (Daniel Day-Lewis) est le plus grand réalisateur de son époque. Alors qu’il s’apprête à tourner son prochain «chef-d’œuvre», le voilà en proie au doute le plus profond, au point de fuir Cinecittà!
Tiraillé entre plusieurs muses, son épouse sublime légitime (Marion Cotillard), sa maîtresse sulfureuse (Penelope Cruz) et la star de son projet en souffrance (Nicole Kidman), Guido va pourtant réussir à puiser dans ces différentes figures de l’éternel féminin une nouvelle inspiration. Entre paillettes glamour et émotions virevoltantes!
Adeline Stern
Le choc des Titans
Merveilleux sous-genre cinématographique qui connut son âge d’or en Italie dans les années soixante, le péplum vit une nouvelle jeunesse à l’ère des effets spéciaux numériques, lesquels ressuscitent avec une vraisemblance inégalée les super héros d’une mythologie grecque un brin fantaisiste!
Remake du film homonyme de Desmond Davis dont le légendaire Ray Harryhausen assura de main de maître les trucages analogiques en 1981, «Le choc des Titans» narre les exploits de Persée, le vainqueur de la Gorgone. A la tête d’une troupe de braves guerriers ce héros impavide part défier Hadès, le dieu des Enfers en bisbille avec Zeus dont il jalouse la suprématie…
Les fanatiques de culture antique s’étonneront peut-être de voir apparaître en fin de film le terrible Kraken, monstre plutôt scandinave d’origine. Rassurons-les: ce type d’anachronisme constitue depuis longtemps l’apanage du péplum, et ajoute même à son charme!
Adeline Stern