lundi, 22 décembre 2008 14:48

Happy New Year

Revenu de Chine où il a tourné un documentaire sur les travaux asiatiques des architectes Herzog et De Meuron, le cinéaste zurichois Christoph Schaub renoue avec la fiction grâce à un projet ambitieux porté par Marcel Hoehn, producteur avisé auquel il est fidèle depuis de nombreuses années.

Délaissée, une quinquagénaire s’épanche dans un taxi dont le jeune chauffeur collectionne les déboires amoureux. Fan de modèles réduits, un vieux garçon doit veiller sur l’enfant de sa voisine, une petite fille curieuse de tout. Effrayé par les pétards du Nouvel An, un chien fugueur met à l’épreuve un vieux couple miné par les habitudes. Deux policiers en ronde de nuit remettent en question leur vocation. Honteuse de sa mère alcoolique, une adolescente ment pour séduire un fils de bonne famille…

Pendant quelques heures, au cœur de la nuit parfois si pesante de la Saint Sylvestre, tous ces personnages cabossés par la vie essayent de reprendre en main leur destin. Imbriqués les unes dans les autres, leurs histoires simples forment peu à peu un puzzle existentiel tragicomique, qui a pour pièce maîtresse la ville de Zurich. Peu de cinéastes suisses se sont frotté au film à épisodes, genre risqué et exigeant sur le plan du montage, le réalisateur de Jeune homme (2006) a  su relever le défi. Un film à ne pas rater à la veille du nouvel an, histoire de se préparer à passer une bonne soirée!

Vincent Adatte

lundi, 22 décembre 2008 14:45

Madagascar 2

A bord d’un aéroplane de fortune bricolé par des pingouins très peu fiables, Alex le lion, Gloria l’hippopotame, Melman la girafe et Marty le zèbre tentent de regagner leur zoo de New York tant aimé. Après un atterrissage d’urgence, nos héros se retrouvent en Afrique, égarés sur la terre de leurs sauvages ancêtres. Ce retour aux sources impromptu ne sera pas sans difficulté… Mouvementée et pétrie d’humour au second degré destiné aux parents qui auraient accompagné leurs rejetons, enfin une suite qui ne déçoit pas !

Vincent Adatte

lundi, 22 décembre 2008 14:42

The Duchess

Formé à l’école documentaire, le réalisateur anglais Saul Dibb a tourné son premier long-métrage de fiction avec une arrière-pensée «actuelle» qui rend son projet passionnant. Avec malice, mais sans jamais forcer la vérité historique, il induit un parallélisme entre deux destins «royaux» malheureux dont le lien de famille, même lointain, est pour le moins troublant.

Georgiana Spencer (1757-1806) est mariée à l’âge de dix-sept ans au Duc de Devonshire, richissime pair du royaume. Hélas la pauvre petite voit très vite ses rêves de jeune fille amoureuse s’évanouir, la faute à un mari peu délicat qui la trompe ouvertement, lui proposant même un ménage à trois. A l’instar de Marie-Antoinette, sa très chère amie, Georgiana tente d’oublier ces affronts répétés en menant une vie publique trépidante qui en fait l’une des personnalités les plus «people» de l’époque. Elle finira par prendre un amant…

Or, à en croire l’arbre généalogique des Spencer, cette victime des convenances n’est autre que l’arrière-arrière-arrière grand-tante d’une certaine Lady Diana qui, beaucoup plus tard, connaîtra le même genre d’avanies conjugales, répondant à l’humiliation de façon assez similaire… Dans le rôle-titre, Keira Knightley joue parfaitement de cette analogie!

Vincent Adatte

lundi, 22 décembre 2008 14:36

Mes stars et moi

A vingt-six ans, la réalisatrice française Laetitia Colombani a attiré l’attention de la critique en réalisant un premier long-métrage qui fait très peur. A la folie, pas du tout (2002) racontait la dérive obsessionnelle d’une étudiante tombée amoureuse d’un jeune médecin mais souffrant en fait d’érotomanie. Six ans plus tard, elle nous revient avec Mes stars et moi qui traite d’un genre de fixation un brin moins dramatique.

Fasciné par les actrices, Robert (Kad Merad) est prêt à tout pour les approcher. La nuit, il nettoie les locaux d’une agence artistique qui gère les carrières de ses stars préférées. En furetant dans les bureaux, il met la main sur de précieuses infos qui lui permettent de s’immiscer dans leur vie privée. Réunies sur le même tournage et horripilées par cette attitude intrusive, les trois idoles décident de s’unir pour lui régler son compte… Sans savoir qu’il est le véritable auteur de ce casting de choc.

Joliment acerbe, Mes stars et moi décrit l’aliénation engendrée par la société du spectacle qui est aujourd’hui la nôtre. Servie par une distribution de rêve, la cinéaste atomise sans état d’âme un milieu où personne ne fait de cadeau, à l’image des saillies très acides lancées à la trop belle Emmanuelle Béart par une Catherine Deneuve boulimique!

Adeline Stern

mardi, 16 décembre 2008 17:26

Entre les murs

Cinéaste discret, mais de grand talent, Laurent Cantet a créé la surprise en remportant avec Entre les murs la Palme d’Or du dernier festival de Cannes. Cette distinction n’est en rien usurpée, tant son film, sélectionné de dernière heure, convainc par son authenticité et sa simplicité.
Mi-documentaire, mi-fiction, le dernier film du réalisateur de Ressources humaines (2000) s’inspire du roman de François Bégaudeau, journaliste et écrivain, qui fut lui-même professeur de lycée. Elaboré dans le cadre d’ateliers d’improvisation, Entre les murs nous fait entrer dans un classe de quatrième d’un collège parisien. François Marin (F. Begaudeau) y enseigne le français. Joué par des jeunes tous non professionnels, le film décrit pour l’essentiel des cours qui, selon les cas, prennent un tour comique, polémique, voire violent, avec pour enjeu dramatique la possibilité ou non du dialogue.
Monsieur Marin veut à la fois séduire et s’imposer. Cette ambiguïté va l’amener à commettre une erreur d’appréciation que l’un de ses élèves va payer au prix fort… De façon magistrale, mais très lucide, Cantet et Bégaudeau pointent la contradiction majeure de l’école d’aujourd’hui, déchirée entre le souci de ne pas exclure et la volonté de maintenir la discipline.
Adeline Stern
lundi, 15 décembre 2008 16:07

Des épaules solides

Six ans avant que la critique n’encense Home, Ursula Meier a récolté un concert de louanges méritées avec Des épaules solides, l’un des téléfilms les plus réussis de la prestigieuse collection Masculin Féminin produite par Arte. En 2002, la cinéaste est déjà en pleine possession de ses moyens créateurs, filmant à fleur de peau une jeune sportive de haut niveau, obsédée par la performance.
Athlète très prometteuse, Sabine (extraordinaire Louise Szpindel) a quinze ans et l’ambition de devenir une championne du 400 mètres. En formation dans un internat «sports études», elle s’acharne à maîtriser son corps, qu’elle pousse à bout coûte que coûte, dans l’espoir de dépasser ses propres limites. Mais un corps n'est pas une machine, il a ses mystères, ses faiblesses, ses désirs, surtout celui d’une adolescente… Sabine en fera l’amer constat!
La cinéaste connaît bien l’univers de l’athlétisme qu’elle a pratiqué de manière intensive dès l’âge de huit ans, jusqu’à ce qu’elle découvre le cinéma et en fasse sa profession. Le sport pose de façon radicale la question de notre rapport au corps, jusqu’au déni… Dans ce film aussi charnel que cérébral, Ursula Meier lui confère une concrétude rarement atteinte au cinéma!
Vincent Adatte
lundi, 15 décembre 2008 16:02

Home

De nationalité suisse et française, la cinéaste Ursula Meier réalise dès 1994 des courts-métrages dont Tous à table (2001) primé dans de nombreux festivals. Après le documentaire Pas les flics, pas les noirs, pas les blancs (2001), elle signe la même année le téléfilm Des épaules solides. Fiction merveilleusement troublante, Home constitue son premier vrai long-métrage de cinéma et a été présentée dans le cadre de La Semaine de la critique à Cannes.
Entre Jacques Tati et Samuel Beckett, la réalisatrice Ursula Meier restitue la dérive d’une famille installée dans une maison située au bord d’une autoroute inachevée. Brutalement, le ruban de bitume est ouvert à la circulation et l’existence de la petite communauté va en être totalement bouleversée.
Pour tourner Home, Ursula Meier a fait construire un bout d’autoroute en Bulgarie et s’est offert toute liberté, ainsi que les services d’Isabelle Huppert et d’Olivier Gourmet, qu’elle a su diriger à la perfection. Affectionnant les ruptures de ton révélatrices, elle confère à sa drôle de famille une dimension tragicomique qui prend sans cesse à revers le spectateur… Tout simplement l’une des meilleures fictions suisses  depuis longtemps, qui mêle à la perfection l'absurde, l'humour noir et l'angoisse!
Vincent Adatte
dimanche, 30 novembre 2008 20:04

PREMIERES NEIGES

Primé à Cannes, le premier long-métrage de la jeune réalisatrice bosniaque Aida Begic est un portrait de groupe d’une profonde humanité… Au village de Slavno, situé dans l’est de la Bosnie, tous les hommes ont été emmenés et tués par les forces serbes. Leurs corps n’ont jamais été retrouvés. Seul le vieil imam et un petit garçon ont échappé à la tragédie.

Après la guerre, les femmes sont restées dans leurs maisons dont les toits éventrés sont recouverts de bâches de fortune. Parmi elles, seule Alma, une veuve de trente ans, s’efforce de croire que la vie est encore possible au village. Les autres restent passives, rêvent de partir ou, selon leur âge, attendent la mort. Avec une obstination absurde, Alma s’échine à faire des confitures, des conserves, dans l’espoir très hypothétique de gagner un peu d’argent.

L’irruption de deux affairistes serbes trouble le cours désespérant des choses. Prétendant ne pas avoir combattu, ils proposent aux survivantes de racheter leur village à un prix avantageux pour elles… N’en disons pas plus, sinon que la neige aura le dernier mot de ce beau film au final apaisant, cette neige qui, comme disent les femmes de Slavno, «ne tombe pas pour couvrir la colline, mais pour que chaque animal laisse une trace de son passage».

Vincent Adatte

dimanche, 30 novembre 2008 20:01

L'ECHANGE

Grand oublié du palmarès du dernier Festival de Cannes, L’échange décrit de façon magistrale une terrible manipulation. Film noir baigné de compassion, le vingt-huitième long-métrage de Clint Eastwood est aussi l’un de ses plus dénonciateurs… Un véritable appel à la résistance!

En 1928, peu avant la grande dépression, Christine Collins (Angelina Jolie) travaille au standard d’une compagnie téléphonique. Revenant de son travail, cette femme qui élève seul son fils constate sa disparition. Quelques semaines plus tard, la police de Los Angeles lui rend sous le feu des médias un petit garçon qui affirme être son fils. Cédant à la pression, Christine reprend l’enfant avant de se récuser, affirmant à qui veut l’entendre que ce n’est pas le sien. La police fait alors pression sur elle, n’hésitant pas à faire passer la malheureuse pour folle. La machine à broyer étatique est en marche, reste à savoir si une mère esseulée est en mesure de l’enrayer…

Manifestement, le réalisateur de Million Dollar Baby (2004) croit toujours au pouvoir révélateur du cinéma. Confiant en la puissance d’expression du septième art, Eastwood réussit à nous redonner une foi raisonnée en l’image, en sa capacité de susciter la compassion, de plaider les causes désespérées.

Adeline Stern

dimanche, 30 novembre 2008 19:57

RUMBA

Experts en rumba, boléro, cha-cha-cha et salsa, un couple d’instituteurs de campagne gagnent haut la main tous les concours de danse latino. Las, après un accident de voiture absurde causé par un piéton suicidaire, la femme se retrouve unijambiste et le mari frappé d’amnésie. Alors que tous les malheurs du monde s’accumulent sur leur passage, Fiona et Dom s’obstinent pourtant à croire à la possibilité du bonheur.

Bien loin de se décourager, ce duo loufoque garde le rythme et le sourire, s’évertuant à transformer leur handicap en tendre preuve d’amour, à l’image de Fiona très heureuse de se faire porter dans les bras de son compagnon… Le moindre obstacle est prétexte à encore plus se rapprocher l’un de l’autre!

Venus de la scène, Fiona Gordon et Dominique Abel forme un couple burlesque et décalé qui privilégie un humour physique, visuel, plus centré sur le langage du corps que sur l’art du dialogue. Dévolu à la mise en scène, Bruno Romy, leur complice depuis bientôt vingt ans, les filme le plus souvent en plan fixe, pour mettre en valeur leurs incroyables prouesses. En résulte une comédie optimiste et souriante dont la verve comique évoque tour à tour Tati, Keaton ou encore le sublime et nonsensique W.C. Fields!

Adeline Stern

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