Le petit Nicolas
Tous les fervents admirateurs du trait naïf de Sempé peuvent se réjouir! Très attendue, l’adaptation cinématographique des aventures du «Petit Nicolas» arrive enfin sur nos écrans, cinquante ans après leur première publication.
Edité à partir de 1959, d’abord sous forme de gag hebdomadaire puis de romans illustrés, «Le petit Nicolas» est né de l’imagination frondeuse de René Goscinny. Sous le couvert du dessin candide de Sempé, le créateur d’Astérix a écrit une série d’historiettes qui croque avec délicatesse l’enfance d’une époque aujourd’hui révolue…
Sur les traces de Jacques Tati, le cinéaste Laurent Tirard a picoré dans les différents recueils des tranches de vie du «Petit Nicolas» pour former un récit crédible, avec comme fil rouge la trame de l’album «Joachim a des ennuis». Soit l’arrivée annoncée d’un petit frère qui a le don de mettre dans tous ses états le protagoniste irrésistible de ce film «à bêtises». Hautement délectable!
Adeline Stern
Sunshine Cleaning
Il n’y a pas si longtemps, Rose Lorkowski (Amy Adams) était la pin-up la plus courtisée du lycée. Aujourd’hui, chômeuse et mère célibataire, cette jeune femme combative rame pour s’en sortir. Pour payer l’inscription de son fils dans une école privée, elle a l’idée d’un job d’un genre inédit.
Avec la complicité de l’un de ses amants, flic de son métier, qui lui rabat des marchés, Rose lance une entreprise spécialisée dans le nettoyage de scènes de crimes, embauchant au passage sa sœur Norah (Emily Blunt), une miss catastrophe avec qui elle entretient des rapports très épidermiques…
Contre toute attente, les deux entrepreneuses vont très bien s’entendre pour faire prospérer leur petite société, bientôt expertes dans l’art de faire disparaître les taches de sang, de dissiper les mauvaise odeurs… Troisième long-métrage d’une cinéaste d’origine néo-zélandaise, «Sunshine Cleaning» est la nouvelle perle du cinéma indépendant américain.
Adeline Stern
District 9
Produit par Peter Jackson, le premier long-métrage du jeune réalisateur Neill Blomkamp redonne au cinéma de science-fiction une vertu métaphorique oubliée. Parqués en Afrique du Sud, ses «aliens» ont en effet beaucoup à nous apprendre sur nous-mêmes!
Depuis 1989, un astronef gigantesque stationne au-dessus de Johannesburg. Considérés comme des réfugiés, les extraterrestres ont été parqués dans un camp, le «District 9». Vingt ans plus tard, la situation est explosive: les êtres humains cohabitent difficilement avec les «aliens», surnommés les «crevettes» à cause de leur aspect physique.
Cette township très particulière est gérée par une société privée qui, sous couvert de faire de l’«humanitaire», espère surtout percer le secret de la maîtrise des armes dévastatrices des «aliens», qui passe par la découverte de leur ADN. Très involontairement, un agent au service de cette société va peut-être lui fournir la précieuse molécule…
Vincent Adatte
Hanna Montana, le film
Fille du chanteur country Billy Ray Cyrus, Miley Cyrus joue son propre rôle dans ce film fait sur mesure, qui constitue le condensé cinématographique de la sitcom «Hanna Montana» dont elle est l’héroïne très rassurante. Multimillionnaire à l’âge de seize ans, la souriante petiote est devenue aux Etats-Unis un véritable phénomène de société.
Pour ceux et celles qui l’ignoreraient encore, Miley mène une double vie: collégienne anonyme méprisée par ses camarades, le soir venu, elle coiffe une perruque blonde et devient Hanna Montana, une pop star idolâtrée par ses fans mais dont les sets finissent à minuit pile.
Dépassée par sa notoriété, la jeune fille en perd son humilité. Soucieux de lui donner une bonne leçon de vie, son père la ramène sans crier gare dans la petite ville du Tennessee où elle a grandi au milieu des poules et des vaches. Retrouvant ses racines, Miley va renouer avec les joies saines de la campagne…
Adeline Stern
Grozny Dreaming
La projection de samedi sera suivie d’une discussion sur le thème du Caucase en présence des deux cinéastes et d’Eric Hoesli.
Tourné par deux cinéastes suisses, ce documentaire raconte les tribulations d’un orchestre de chambre de Tbilissi dont les membres sont originaires de différentes républiques du Caucase. Son chef et ses musiciens s’enhardissent à réaliser leur rêve en partant en tournée dans cette région combien tourmentée.
De Géorgie en Abkhazie, en passant par la Russie et l’Ossétie du Sud, ces artistes que d’aucuns taxeront d’idéalisme s’efforcent de prouver qu’une cohabitation pacifique demeure possible entre ces peuples qui s’entredéchirent, le miracle de la musique aidant! L’étape finale de cette tournée à nulle autre pareille doit les mener à Grozny, en Tchétchénie, où l’on feint de croire que la guerre est terminée…
Par ce biais, Mario Casella et Fulvio Mariani abordent la problématique de la «poudrière caucasienne» sous un nouvel éclairage, loin des approches réductrices des médias, sans pour autant verser dans l’angélisme béat. Précieux!
Vincent Adatte
Mia et le Migou
Mue par un pressentiment, une fillette de dix ans quitte son village natal situé sur la Cordillère des Andes. Elle est à la recherche de son père qui est parti travailler sur un chantier pour gagner de quoi nourrir sa famille.
Courageuse, la petite Mia traverse le continent sud-américain, s’enfonce au cœur de la forêt amazonienne peuplée d’êtres mystérieux assez loufoques, les «Migous», qui veillent à la protection du «poumon vert». Arrivée sur le chantier où trime son papa, elle constate avec effroi que ce dernier est en train de contribuer à la construction d’un complexe hôtelier de luxe dévastateur pour l’environnement…
Réalisateur de «La prophétie des grenouilles» (2003), le cinéaste d’animation français Jacques-Rémy Girerd conte cette fable écologique avec les couleurs chaudes qui lui sont chères. Dans un registre merveilleux approprié aux enfants, il rend hommage à la nature, usant de son crayonné artisanal sans pareil.
Vincent Adatte
Demain dès l'aube
Révélé en 2006 par «La tourneuse de pages», le réalisateur français Denis Dercourt traite dans son deuxième long-métrage de la relation fraternelle sur fond de jeux de rôles plus vrais que nature.
Pianiste virtuose, Paul (Vincent Perez) est en pleine crise existentielle, remettant aussi bien en cause sa brillante carrière que sa vie de couple. La maladie incurable dont est atteinte sa mère ajoute sans doute encore à son désarroi. Pour prendre de la distance, il revient s’installer dans la maison de famille où vit Mathieu (Jérémie Renier), son frère cadet.
Simple ouvrier, Mathieu voue une passion pour les jeux de rôle, auxquels il participe avec une conviction impressionnante. Se métamorphosant en hussard napoléonien, il se mêle à des reconstitutions guerrières étonnantes de réalisme. Inquiet, Paul décide de l’accompagner sur le champ de bataille… Une nouvelle réussite fascinante d’étrangeté!
Adeline Stern
Un prophète
Après «De battre mon cœur s’est arrêté» (2005), le cinquième long-métrage de Jacques Audiard constitue un nouveau choc… Quand Malik El Djebena (Tahar Rahim) entre en prison où il doit purger une peine de six ans, nous ne savons rien de cette petite frappe sans relation et analphabète.
Normalement, Malik ne devrait pas faire de vieux os dans un milieu gangrené par la violence, dominé par deux clans antagonistes, les Corses et les Arabes. Contre toute attente, en regard de son origine, il fait vite acte de soumission aux Corses, suscitant la désapprobation risquée de sa communauté.
Accumulant les humiliations, il s’attire peu à peu la confiance du caïd Luciani (Niels Arestrup). Mine de rien, ce petit délinquant, apparemment sans envergure, va alors jouer son propre jeu et tenter de gagner sa survie, voire beaucoup plus… Servi par des acteurs prodigieux de justesse, une manière de «conte carcéral», à l’ironie sombre et ravageuse!
Vincent Adatte
Hôtel Woodstock
Cinéaste virtuose capable de varier les registres, Ang Lee célèbre avec malice les quarante ans du festival le plus marquant de l’histoire de la musique. Sur le ton de la comédie, mais sans aucun cynisme, le réalisateur du «Secret de Brokeback Mountain» en révèle la genèse improvisée.
Né à Brooklyn, le jeune Elliot Tibère (Demetri Martin) a suivi ses parents qui se sont installés pour retaper un motel miteux dans un bled au nord de l’Etat de New York. Président de la chambre de commerce locale, il joue au petit notable, tout en fréquentant les cercles gays new-yorkais.
Un beau jour des «énergumènes» en «pattes d’eph» et chemises à fleurs font irruption dans son quotidien… On connaît la suite qui permet au cinéaste de mener de concert deux récits: le premier montre comment Elliot s’émancipe au contact des contestataires; le second montre l’emprise progressive du business sur cet événement majeur de la «contre-culture»… Doux-amer comme la nostalgie!
Adeline Stern
No More Smoke Signals
Prix du cinéma suisse 2009, ce premier long-métrage documentaire d’une jeune cinéaste bâloise inscrit son propos dans des paysages balisés par le cinéma américain. Ayant rempli sa mission falsificatrice, le western n’a plus vraiment lieu d’être, il est donc temps de revenir au réel. La tête remplie des exploits de ses héros d’enfance, Fanny Bräuning s’est aventurée en territoire sioux, au cœur de la réserve indienne de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud.
Dès les premières séquences, le spectateur comprend que la politique d’extermination continue son œuvre, certes de manière plus douce, à voir les conditions misérables dans lesquelles vivent les descendants de la tribu des Lakota. Pour tempérer son constat, la réalisatrice installe son «campement» dans une station de radio fondée dans les années 70 par des activistes de la cause indienne.
En lieu et place des signaux de fumée d’antan, les animateurs de KILI Radio envoient aujourd’hui leurs messages via les ondes. Au fil du temps, cette chaîne radiophonique farouchement indépendante est devenue la voix officielle de la nation Lakota. Avec une belle sensibilité, la cinéaste filme ces Indiens phraseurs. Sans doute moins laconiques que leurs ancêtres, ils contribuent à sauvegarder leur culture menacée.
Vincent Adatte