Et si on vivait tous ensemble ?
Présenté en clôture du dernier festival de Locarno, le second long-métrage du réalisateur français Stéphane Robelin restitue une tentative émouvante, pleine de tendresse rieuse. Cinq représentants du troisième âge (voire du quatrième) tentent de constituer un phalanstère d’un genre inédit, histoire d’échapper au placement en maison de retraite!
Albert (Pierre Richard, 78 ans) perd la mémoire. Claude (Claude Rich, 83 ans) a le cœur grivois, mais qui bat trop vite. Lâché par son assurance, Jean (Guy Bedos, 78 ans) ne peut plus partir en mission humanitaire. Jane (Jane Fonda, 74 ans) cache sa maladie, tandis qu’Annie (Geraldine Chaplin, 67 ans) s’évertue à vouloir creuser une piscine dans le jardin pour attirer ses petits-enfants.
Confrontés à leurs défaillances, ces amies et amis de plus de quarante ans se décident à vivre en communauté, dans la même maison, sous le regard parfois ébahi d’un jeune auxiliaire de vie (Daniel Brühl)… A mourir pour mourir, mieux vaut choisir d’en rire!
Adeline Stern
Sherlock Holmes 2 : Jeux d’ombres
En 2009, le cinéaste britannique Guy Richtie réinventait complètement le personnage créé par Sir Conan Doyle vers 1890. Non sans jubilation, le réalisateur de «Arnaques, crimes et botaniques» (1998) et de «Snatch» (2000) le dépossédait en effet de son esprit rationnel d’origine pour lui conférer une dimension fantastique inédite, décuplée par des effets spéciaux impressionnants!
Encouragé par le succès retentissant de ce premier détournement, Richtie persiste et signe avec un «sequel» dans la même veine, reconduisant le tandem d’acteurs du premier épisode, soit Robert Downey Junior (Sherlock Holmes) et Judy Law (Watson), auxquels il adjoint Noomie Rapace (égérie de la première version de «Millénium»).
Pièce funestement maîtresse de ce «Jeu d’ombre», le sinistre professeur James Moriarty (Jared Harris), sème la mort dans toute l’Europe, forçant Holmes, son rival intellectuel et ennemi juré, à prendre des risques de moins en moins «élémentaires»…
Vincent Adatte
Mama Africa
Frère aîné de Aki Kaurismäki («Le Havre»), Mika est un fanatique de musique, à laquelle il a consacré plusieurs documentaires, dont le merveilleux «Moro No Brasil», véritable déclaration d’amour au Brésil qui chante, danse (et souffre).
Après Bahia et le Nordeste, «le deuxième plus important cinéaste finlandais» (comme il aime à se qualifier sur le ton de la plaisanterie) a rallié l’Afrique du Sud pour réaliser un portrait vibrant de sensibilité de la chanteuse Miriam Makeba disparue en 2008, après avoir lutté des années durant contre toutes les formes d’injustice.
Surnommée «Mama Africa», l’interprète inoubliable de «Pata Pata» a été contrainte dès 1959 à un long exil, parce qu’elle avait osé apparaître dans le film anti-apartheid clandestin «Come Back Africa» de Lionel Rogosin. D’images d’archives en témoignages personnels, Mika Kaurismäki reconstitue de façon remarquable cette carrière unique, où chant et engagement ont atteint à une osmose fascinante!
Vincent Adatte
Le Roi Lion (3D)
Hakuna matata ! Avènement de la 3D oblige, les grands classiques de l’animation entrent dans la troisième dimension. Qu’il revienne au «Roi Lion» d’ouvrir les feux de cette régénération stéréoscopique n’a rien d’étonnant.
Sorti en 1994, le succès planétaire du quarante-troisième long-métrage estampillé «Disney» a en effet eu le don de remettre à flot l’entreprise, enfin remise de la disparition du père fondateur en 1966. Conçu par une équipe de jeunes loups très dynamiques, «Le Roi Lion» fait d’ailleurs clairement allusion à ce long travail de deuil en faisant de Simba un jeune fauve culpabilisé par la mort de son père, dont il se croit responsable.
Pour la petite histoire, sachez que l’argument griffu du film a été emprunté sans permission au «Roi Léo», manga dessiné en 1950 par le mythique «mangaka» Osamu Tezuka qui en avait aussi tiré une série télévisée d’animation quelque quinze ans plus tard…
Vincent Adatte
Millenium : Les homme qui n’aimaient pas les femmes
Il n’y a rien d’étonnant à ce que David Fincher ait accepté de donner une nouvelle version cinématographique du polar de feu Stieg Larsson. Le bouquin condense en effet les obsessions du réalisateur: un tueur en série sous influence biblique («Seven»), une affaire criminelle non élucidée depuis des décennies («Zodiac»), la solitude invasive de la communication «virtuelle» («Social Network»).
Ajoutez à cela le défi qui titille tout grand cinéaste formaliste, consistant à refaire le «remake» d’un film dont le spectateur connaît déjà l’intrigue et à emporter quand bien même le morceau, par la seule force de sa mise en scène…
Bref, le réalisateur de «Fight Club» avait les meilleures raisons de faire revenir à l’écran Mikael Blomkvist, le journaliste intègre, et Lisbeth Salander, la hacker rebelle, surtout avec des acteurs comme Daniel Craig et la jeune Rooney Mara! De quoi faire complètement oublier la version, certes honorable, de son collègue danois Niels Arden Oplev…
Adeline Stern
Giochi d’estate - Jeux d’été
Dimanche 5 février, Soirée thématique : «Et après ?...», «Jeux d’été» sera précédé du film «Les Vents contraires» et d’un buffet, puis projeté en présence de son réalisateur Rolando Colla. Forfait pour la soirée 30.-
Dans un camping de la Maremme, en Toscane, un couple et leur fils de douze ans passent leurs vacances au camping. L’ambiance est délétère, pour ne pas dire plus. Au bord d’une rupture que ni l’un ni l’autre ont la force psychique d’assumer, Vincenzo et Adriana s’entredéchirent à longueur de journée.
Exposé aux explosions de violence paternelle, Nic exorcise sa douleur en inventant des jeux cruels, auxquels se soumettent ses camarades d’un été. Attiré par Marie, une fille de son âge, appartenant à un milieu plus aisé, mais qui souffre de ne pas connaître son père, le jeune garçon va peu à peu s’extirper de la carapace qu’il s’est forgée pour se protéger des rudes atteintes du réel…
Au sein d’une nature sublime, le réalisateur de «L’autre moitié» filme avec une sensibilité exceptionnelle des enfants malmenés par l’existence, leur éveil ardu aux sentiments, aux émotions… Nominé à l’Oscar du meilleur film étranger, l’un des meilleurs films de fiction suisses de ces dernières années!
Vincent Adatte
J. Edgar
Octogénaire, Clint Eastwood persiste à considérer le cinéma comme une machine à remonter le temps, qu’il doue d’intelligence et dote de sens. Comme la plupart de ses films, son trente-deuxième long-métrage ranime tout un pan du passé étasunien.
Cette fois, l’auteur d’«Un monde parfait» a jeté son dévolu sur Edgar J. Hoover qui a dirigé le FBI d’une main de fer pendant près de cinquante ans, en «régnant» sur huit présidents, contre lesquels il s’ingéniait à monter des dossiers pour mieux les contrôler. Eastwood fait commencer son film vers 1970: Hoover (Leonardo DiCaprio au sommet de son art) est en train de dicter ses mémoires à un «nègre».
Grâce à cet artifice narratif, le réalisateur peut alterner passé et présent avec une virtuosité extraordinaire. Tout en décrivant son ascension, le cinéaste restitue toute la complexité de son protagoniste qui, aussi puissant soit-il, n’en reste pas moins médiocre, mythomane et pitoyable dans son déni d’une homosexualité qu’il juge honteuse.
Vincent Adatte
Des vents contraires
Dimanche 5 février, Soirée thématique : «Et après ?...», «Des Vents contraires» sera suivi d’un buffet puis du film «Jeux d’été» en présence du réalisateur. Forfait pour la soirée 30.-
Jeune écrivain prometteur, Paul Anderen (Benoît Magimel) forme avec Sarah (Audrey Tautou) un couple un peu «usé», malgré deux beaux enfants. Or, du jour au lendemain, sa femme vient à disparaître. Soupçonné par la police de l’avoir tué, Paul est arrêté. Relâché, il décide de quitter Paris pour s’installer à Saint-Malo, dans sa Bretagne natale, pour tenter de faire oublier à ses deux gosses l’inoubliable.
Travaillant comme moniteur d’auto-école pour le compte de son frère, Paul essaye alors de se reconstruire, au fil de rencontres qui le confrontent à d’autres drames ordinaires, dont celui d’un père séparé de sa fille, ce qui l’entraîne à faire la connaissance d’une inspectrice de police (Isabelle Carré) peu disposée à s’apitoyer…
Tiré d’un roman d’Olivier Adam, le second long-métrage de Jalil Lespert (qui peut être aussi très bon acteur) décrit de façon admirable le phénomène parfois si mystérieux de la résilience, en lui restituant toute sa complexité!
Adeline Stern
Hysteria (O My God !)
En pleine ère victorienne, caractérisée par son puritanisme à toute épreuve, Joseph Mortimer Granville (Hugh Dancy), jeune et séduisant médecin, entre au service du docteur Dalrymple, spécialiste réputé de la soi-disant hystérie féminine.
Le traitement préconisé par le praticien pour soulager ses patientes est des plus simples, puisqu’il s’agit de leur procurer des orgasmes réparateurs en mesure de vaincre leurs troubles psychosomatiques. Le juvénile Granville s’applique à sa nouvelle mission avec un enthousiasme redoublé, jusqu’au jour où il est victime d’une crampe malencontreuse. Empêché d’exercer ses fonctions, Granville va alors mettre au point un outil thérapeutique d’une efficacité exceptionnelle…
Très spirituel, le troisième long-métrage de la réalisatrice anglaise Tanya Wexler brocarde délicieusement l’obscurantisme masculin relatif au plaisir des femmes, par le biais du récit de la genèse et de l’invention du premier vibromasseur!
Vincent Adatte
Les Neiges du Kilimandjaro
Michel (Jean-Pierre Darroussin) et Marie-Claire (Ariane Ascaride) sont ce que l’on n’ose plus appeler des «personnes engagées». Trichant volontairement lors d’un tirage au sort qui doit entériner un plan social, Michel se retrouve au chômage par solidarité.
Peu après, à l’occasion de leur anniversaire de mariage, le couple reçoit de la part de leurs proches et amis une petite cagnotte et deux billets d’avion pour un voyage en Tanzanie. Las, ils se font dépouiller par deux hommes masqués, dont l’un se révélera être l’un des jeunes collègues de Michel!
Certes, le couple fétiche de Robert Guédiguian, que l’on aura vu vieillir au fil de ses films, n’a plus l’optimisme de «Marius et Jeannette», mais il s’efforce quand bien même de rester exemplaire… Inspiré par un poème de Victor Hugo («Les Pauvres Gens»), le cinéaste veut croire que «la classe ouvrière existe toujours, que tout le monde n’est pas raciste, xénophobe, individualiste, égoïste»!
Vincent Adatte